La pollution atmosphérique urbaine est un problème bien plus vaste qu’on ne l’imagine : l'OMS estime que la pollution de l'air en extérieur provoque chaque année plus de 4 millions de décès prématurés dans le monde. Et les particules à l'origine de ces décès ne sont pas la seule forme de pollution à laquelle les citadins sont exposés ; ils inhalent également des toxines comme le monoxyde de carbone, l'ozone, le dioxyde d'azote et le dioxyde de soufre. Les communes concernées sont conscientes du problème et tentent de le résoudre, mais toute la difficulté est de savoir quelles toxines sont présentes et où elles sont concentrées, afin de pouvoir adopter des mesures de prévention adéquates.
C'est là qu'interviennent les capteurs de pollution atmosphérique de Sparrow : sous la forme d'un petit boîtier qui peut être installé sur le toit des taxis ou des véhicules de covoiturage, ils parcourent la ville et constituent un réseau de dispositifs qui collectent des données en continu dans toute la zone. Maxim Interbrick, cofondateur et COO de Sparrow, explique comment sa technologie peut non seulement réduire la pollution atmosphérique urbaine, mais aussi jouer un rôle dans l'établissement de normes internationales pour la transition vers des villes intelligentes et durables.
Comment vos capteurs intelligents aident-ils les villes à lutter contre la pollution atmosphérique ?
Les collectivités sont confrontées à deux obstacles majeurs dans leurs efforts pour réduire la pollution atmosphérique. Le premier consiste à recueillir le bon type de données. La plupart des villes s'appuient sur une poignée de stations de mesure permanentes installées à des endroits fixes. Ces stations ne peuvent collecter des données que dans un rayon déterminé, ce qui ne permet pas d'obtenir une image précise des niveaux de pollution dans l'ensemble de la ville. Le deuxième obstacle réside dans la mise en œuvre. Les budgets municipaux sont limités et soumis à de longues procédures d'approbation. Les nouvelles technologies sont développées beaucoup plus rapidement que les villes ne peuvent les acheter et les installer, et il faut donc parfois compter des années pour réorganiser toute l'infrastructure d'une ville afin de la rendre intelligente et durable.
Les capteurs de Sparrow relèvent ces deux défis. Tout d'abord, ils peuvent être installés facilement sur les véhicules existants - aucun investissement n'est nécessaire dans une nouvelle infrastructure majeure. De plus, en étant fixés sur des véhicules qui sillonnent déjà la ville quotidiennement, ils permettent d'obtenir une carte de la pollution complète et à haute résolution à un coût relativement faible. Ces cartes sont générées par notre logiciel propriétaire, qui compile les données brutes recueillies par nos capteurs et les transforme en informations utiles pour les urbanistes.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre collaboration avec l'UIT-T pour établir des normes de mesure de la pollution atmosphérique urbaine ?
L'UIT-T est l'organe de normalisation de l'Union Internationale des Télécommunications et est une agence des Nations Unies. Nous les avons contactés parce que nous pensons que notre technologie - grâce à son faible coût et à sa facilité d'installation - peut être utilisée par les villes du monde entier et contribuer aux efforts de référenciation et de réduction de la pollution atmosphérique urbaine à l'échelle mondiale. Lorsque nous leur avons présenté notre système, l'UIT-T a estimé qu'il pourrait devenir un outil essentiel et indispensable à la création de KPI pour les villes intelligentes et durables. Nous avons donc rejoint l'UIT-T en tant que membre associé en 2020 et avons immédiatement participé à l'élaboration du processus de normalisation. L'objectif est d'élaborer une nouvelle norme portant sur les méthodes de mesure de nouvelle génération pour la pollution atmosphérique urbaine.
Pourquoi avez-vous choisi de vous installer dans le canton de Vaud ?
Notre premier prototype a été développé à Genève avec des ingénieurs de la Haute école du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève (HEPIA), puis testé sur 300 taxis de cette ville. Mais au moment de transformer notre groupe de recherche en une entreprise, nous avons décidé de nous installer dans le canton de Vaud et ceci pour deux raisons principales. La première est le soutien que nous avons reçu d'Innovaud. Je travaillais déjà avec l'agence depuis plusieurs années, à l'époque où elle s'appelait encore Vaud Développement Economique. J'aime faire équipe avec ce genre d'organisations locales, car elles sont très utiles pour fournir des conseils concrets sur le fonctionnement pratique des choses et pour nous mettre en contact avec les bonnes personnes. Dans les faits, nos contacts à Innovaud nous ont aidés à obtenir des financements du canton de Vaud et de la FIT. La deuxième raison est que nous établir sur Vaud nous rapproche de l'EPFL. L'HEPIA a été un excellent partenaire pour le développement du premier prototype, mais l'EPFL dispose d'un plus large éventail de ressources pour mettre à l'échelle notre système et le commercialiser. Cela dit, nous avons toujours des liens étroits avec Genève - son département de la pollution atmosphérique et de l'exposition au bruit est l'un des meilleurs d'Europe. Son soutien sera essentiel lorsque nous testerons sur le terrain d'autres améliorations de notre système et que nous travaillerons à l'élaboration de normes.
Quels sont vos futurs projets de développement commercial dans le canton de Vaud et à l'international ?
En sondant le marché pour notre système, nous avons constaté que le potentiel principal réside dans les segments B2B et B2C. En B2B, nous prévoyons d'aider les entreprises à atteindre leurs objectifs ESG et de fournir aux professionnels, comme les agents immobiliers, des données granulaires sur les niveaux de pollution de l'air dans différents quartiers. En B2C, notre objectif est de fournir des données à Google et Apple Maps. Ces sociétés sont des agrégateurs et distributeurs de données, mais pour l'instant, il n'existe pas de véritables données sur la pollution urbaine qu'elles puissent agréger. C'est ce que nous espérons fournir, afin que les utilisateurs de ces applications puissent en bénéficier. Ce sont les deux domaines dans lesquels nous allons concentrer notre développement commercial. En termes de géographie, nous prévoyons de conserver notre R&D dans le canton de Vaud du fait des compétences uniques que nous y trouvons ; nous sommes déjà en contact avec un bureau d'ingénieurs local formé de diplômés de l'EPFL. Mais nous prévoyons également d'ouvrir des bureaux à l'international. Nous étudions actuellement une opportunité en Israël, par exemple.
Quels sont les défis professionnels qui vous tiennent éveillé la nuit ?
Nous nous sommes lancé le défi ambitieux de conquérir 100 villes dans le monde au cours des 18 prochains mois ! Nous savons comment approcher les villes et sommes convaincus qu'elles travailleront avec nous, mais à cette échelle, les aspects logistiques peuvent être délicats. Mais il nous semble que le meilleur moyen d'attirer l'attention des grands acteurs comme Google et Apple Maps est d’élargir notre présence sur le marché.