Qu’est-ce qui a conduit à la fusion d’Innovaud et du DEV en une seule entité, qui est désormais responsable de la promotion de l’innovation cantonale et chargée d’attirer les entreprises étrangères ?
Patrick Barbey : Il y avait depuis quelques années la volonté de simplifier et d’unifier l’offre des organismes de soutien à l’économie et à l’innovation. S’y est ajoutée une raison concrète : dans le canton de Vaud, l’innovation est devenue centrale, et, de fait, les discours des deux entités se sont alignés. Auparavant, l’attraction des entreprises misait sur la Suisse, son cadre légal et juridique, sa stabilité, sa fiscalité attractive et ses hautes écoles. Des avantages encore présents, mais auxquels s’ajoute l’argument de l’écosystème vaudois d’innovation. De plus, sur le plan légal, le canton de Vaud offrait des facilités qui ne sont plus présentes aujourd’hui. Ces dix dernières années, l’innovation y a par contre gagné en maturité et est montée en gamme : l’EPFL est aujourd’hui clairement reconnue dans le monde entier et notamment aux États-Unis, la qualité de nos start-ups, scale-ups et partenariats entre entreprises et académie nous placent à un niveau de compétition européen. Cette nouvelle structure est donc une manière d’assumer cette nouvelle identité, marquée par le rôle prépondérant de l’innovation.
Quelle est la taille de cette nouvelle équipe et où est-elle installée ?
Nous sommes 16, installés dans les locaux du World Trade Center à Lausanne, où nous occuperons un espace encore plus vaste dès septembre. Ce choix a été effectué sur une série de critères : profiter d’une ambiance d’innovation, disposer de conditions d’accueil pour de grandes délégations étrangères, être proches de l’EPFL et du Biopôle, disposer d’un accès autoroutier et des transports (un arrêt du M3 sera assuré d’ici quelques années).
« Nous cherchons désormais aussi à faciliter le développement de hubs technologiques complémentaires aux entreprises déjà implantées dans le canton »
Autour de quelles missions s’organise cette nouvelle entité, qui s’appelle Innovaud ?
Toutes nos activités sont tournées vers l’innovation, avec des approches différentes. Le soutien endogène poursuit son activité de stimulation des start-ups, scale-ups et PME locales. Une autre équipe est orientée vers l’étranger avec la prospection et l’organisation de visites de délégations d’entreprises intéressées à s’installer. Les deux activités vont désormais pouvoir se nourrir plus étroitement : notre proximité avec l’innovation locale permettra de mieux la faire découvrir aux entreprises internationales en visite. D’un autre côté, notre connaissance pointue de certains secteurs en croissance permettra d’identifier des acteurs intéressants à contacter pour une installation. Nous accueillons toujours volontiers les QG de grandes multinationales, mais nous cherchons désormais aussi à faciliter le développement de hubs technologiques complémentaires aux entreprises déjà implantées dans le canton.
Par exemple ?
Dans les sciences médicales, le CHUV et son Biopôle est un hub oncologique intéressant, à nous de rechercher, dans les régions de Boston ou San Diego, par exemple, et de trouver les entreprises, étoiles montantes du secteur, qui cherchent à se développer en Europe, afin de les convaincre de s’installer en Suisse. Nous identifions bien sûr celles pour qui cela fait sens : on ne s’implante pas dans le canton de Vaud pour y trouver des centaines de développeurs à bas prix, mais pour bénéficier, dans cet exemple, de compétences uniques dans les medtechs et les nanotechnologies, ainsi que d’une recherche médicale de pointe. Notre rôle est d’identifier et de faire correspondre les besoins. En cela, les compétences de nos conseillers en innovation sont précieuses, pour mieux décrire à l’entreprise concernée ce qu’elle trouvera ici en fonction de ses besoins.
Justement, quel rôle jouera la communication ?
C’est une mission en soi, qui devra rendre la place d’innovation vaudoise plus visible à l’international. La stratégie est encore en élaboration, mais l’argumentaire sera fortement axé sur l’innovation et développé de manière thématique. À ce titre, la Swiss Food & Nutrition Valley, dévoilée avec Nestlé, l’EPFL, l’EHL et le canton de Vaud est un exemple de domaine que nous mettrons désormais en avant. La documentation marketing elle aussi sera adaptée aux entreprises concernées, avec des informations sur ce que nous proposons dans leur propre secteur d’activité ici. Parfois, il s’agit de répondre à des questions très basiques, comme expliquer qu’en Suisse romande on pratique l’anglais ! Il est certain aussi que nous allons renforcer notre présence à travers les réseaux sociaux, des vidéos, des webinaires, entre autres.
Notre site est public depuis le 16 juin, tout comme un nouveau logo et sa tagline (slogan). Ils donnent le message, pour l’étranger, que nous sommes suisses et que nous nous consacrons à la promotion, l’investissement et à l’installation d’entreprises.
Le nouvel Innovaud disposera-t-il aussi de nouveaux mandats ?
Oui. Parmi nos nouvelles missions se trouve l’aide à l’internationalisation. Puisque nous accompagnons des firmes étrangères pour s’installer, cela fait sens d’assister les entreprises locales afin de trouver de nouveaux débouchés et marchés. Nous travaillons en ce sens avec Switzerland Global Enterprise et d’autres partenaires. Cette mission sera intensifiée, en lien avec notre soutien aux scale-ups, et toujours en fonction des besoins des PME ayant des besoins d’exportations.
Enfin, nous souhaitons développer notre veille stratégique. Nous disposons pour cela d’un poste à temps plein, une personne qui analyse la force de notre écosystème, les marchés et les secteurs porteurs, afin de distinguer les tendances éphémères des réels mouvements de fond.
Quels sont les moyens dont dispose désormais Innovaud pour satisfaire ces missions ?
Sur notre équipe de 16 personnes, la moitié agit sur les questions internationales, l’autre moitié sur du local, mais la symbiose est forte. Nous avons aussi beaucoup de partenariats avec le réseau swissnex à l’étranger, ainsi que le GGBa, entité conjointe de promotion à l’étranger des cantons romands. Quatre recrutements sont par ailleurs en cours.
Comment a été choisi le comité stratégique qui supervise cette nouvelle entité ?
Le président, Rémi Walbaum, Chief Innovation Officer à l’École Hôtelière de Lausanne (EHL), a été désigné par le Conseil d’État vaudois. Les autres membres ont été élus par les assemblées générales extraordinaires des deux associations en 2020. Tous sont de véritables experts dans leurs différents secteurs, ils représentent des organisations économiques importantes et nous ouvrent à des perspectives et enjeux internationaux, qui nous maintiennent à la pointe : Aurélien G. Demaurex, CEO de la scale-up ecoRobotix ; Fabienne Freymond Cantone, administratrice auprès de la BCV et municipale à Nyon, Jean-Philippe Lallement, directeur de l’EPFL Innovation Park, Luc Oesch, directeur des finances et des institutions de prévoyance au Centre Patronal, Aude Pugin, CEO d’APCO Technologies. Nous sommes en discussion pour intégrer deux autres membres issus d’autres secteurs-clés. Andreane Jordan Meier, cheffe du Service de la promotion de l'économie et de l'innovation (SPEI) et Ariane Baechler, directrice générale adjointe DGES (DFJC), font également partie des séances du comité en tant qu’invitées.
La pandémie a-t-elle ralenti le rapprochement des équipes, le travail ces premiers mois ?
C’est en effet à distance que nous avons dû démarrer le travail ensemble. Heureusement, nous nous connaissons tous depuis des années. Nous avons été très rapidement fortement sollicités, d’abord pour répondre aux besoins des start-ups et des PME. Six experts d’Innovaud ont rejoint l’équipe cantonale chargée d’analyser les dossiers de demandes de prêts, pouvant aller jusqu’à un million de francs par start-up! Un travail exigeant, qui a renforcé la collaboration des personnes concernées, issues des deux structures fusionnées. La mise en place de notre nouvelle identité visuelle, pour la Suisse et l’étranger, nous a également beaucoup occupés. Mais nous avons aussi été sollicités pour continuer de répondre, par vidéo, aux demandes importantes de délégations étrangères qui avaient entamé une procédure d’installation. Étonnamment, ces dernières n’ont pas été stoppées par la situation. Onze implantations ont déjà eu lieu en 2020, ce qui est positif, au vu des circonstances. Nous constatons même une augmentation des sollicitations initiales, même s’il est encore trop tôt pour dire si cela est dû à la pandémie, et si nous atteindrons les 33 installations comme en 2019. Dans tous les cas, ces processus se poursuivront sur la seconde partie de l’année.
Au final, ces imprévus et ces exigences ont été plutôt positifs puisqu’ils ont renforcé nos échanges, permis d’établir des rendez-vous virtuels, et nous ont sans doute soudés. Depuis deux semaines, nous sommes heureusement de retour au bureau par petits groupes.
Quelles sont les étapes importantes dans les mois à venir ?
La priorité est la relance des actions de promotion à l’étranger. Nous disposons de tout un plan de reprise d’activités à partir de septembre, qui comprend des visites et des participations à des évènements. Nous avons élaboré plusieurs scénarios possibles, selon la situation sanitaire dans différents pays. Nos partenaires sur place nous permettent de prendre le pouls de différents marchés.
Interview: Camille Andres